« Il n’y a pas de dames ? »

C’est par cette question que débute l’histoire des Cent Une, société de bibliophiles exclusivement féminines. Question rien moins qu’innocente de la princesse Schakhovskoy adressée à un membre des Cent bibliophiles, société fondée en 1895 et d’où les femmes sont rigoureusement absentes... En ce début de vingtième siècle, il est inconcevable de voir des femmes s’attacher à un objet aussi sérieux et rigoureux que la bibliophilie. Les archives de la société nous racontent la suite de cet échange : « Un peu froissée, la princesse déclara qu’elle fonderait une société de femmes bibliophiles. Le monsieur répondit qu’il doutait qu’elle trouverait beaucoup de femmes intéressées par les beaux-livres. “J’en trouverai non cent, mais cent-une” lança la princesse. » C’est le début de l’aventure des Cent Une, entreprise féconde et vivante qui se perpétue encore aujourd’hui.

 

Les sociétés de bibliophiles fleurissent au XIXe siècle, à l’instigation de grands collectionneurs. Dans ces cénacles choisis s’entretiennent le goût du livre, le souci de mieux faire connaître les ouvrages rares, de faire redécouvrir, en les publiant, des textes inédits ou peu connus et de les faire revivre en sollicitant des artistes illustrateurs contemporains.

 

Les Cent Une font vivre cette tradition du livre illustré de bibliophilie. Au cours de leurs quatre-vingt-quatre années d’existence quarante-trois livres ont vu le jour : alliance d’un texte inédit, d’illustrations d’un artiste et d’une réalisation sans faille des métiers du livre (papetiers, taille-douciers, typographes). Financé par les achats de ses membres, tiré en un nombre d’exemplaire limité, un nouvel ouvrage est publié tous les deux ans.

« Nous sommes une association féminine, pas féministe. Nous ne choisissons pas nécessairement des femmes auteurs et graveurs. » En atteste leur premier ouvrage publié : Suzanne et le Pacifique de Jean Giraudoux, illustré par J. E. Laboureur. Les Cent Une, au cours de leur existence, ont marié avec bonheur écrivains et illustrateurs : Ovide et Derain, Fabre et Lurçat, Audiberti et Carzou, Tolstoï et Weisbuch et, plus proche de nous encore, La Fontaine et Chaudouët, Tournier et Audrault.

Jean Cocteau, qui leur dessine un ex-libris, vantera cette « noblesse d’âme (…) qu’elles se lèguent depuis 1926 ». Aujourd’hui présidées par Catherine de Vasselot de Regné, les Cent Une perpétuent cette tradition de qualité et d’excellence, marques de fabrique de toute société bibliophilique.

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